Ombres chinoises
Intangibles, immatérielles elles
se meuvent avec lenteur, avec langueur sur le plafond de ma chambre.
Furtives. Mon œil aux aguets capture un éclat d'écarlate,
un morceau de ciel, une palme, l'or d'un vêtement. Mais à
peine effleurées, elles s'évanouissent, elles
s'évaporent.
Voilà désormais qu'un
fragment de lumière est entré dans mon œil. Il y reste
prisonnier. Un tesson de rire cristallin qui éclaire mes yeux.
Cette agréable sensation qu'il y restera, ce petit bout de
lumière, dans mon iris. Mais la couleur s'affadit. Mon œil
est toujours brillant, mais ce sont des larmes qui perlent au bord de
mes cils. Mes yeux sont gris...
"Si on bougeait la lanterne, je distinguais le cheval de Golo qui continuait à s'avancer sur les rideaux de la fenêtre, se bombant de leurs plis, descendant dans leurs fentes. Le corps de Golo lui-même, d'une essence aussi surnaturelle que celui de se monture, s'arrangeait de tout obstacle matériel, de tout objet gênant en le prenant comme ossature et en se le rendant intérieur, fût-ce le bouton de la porte sur lequel s'adaptait aussitôt et surnageait invinciblement sa robe rouge ou sa figure pâle toujours aussi noble et aussi mélancolique, mais qui ne laissait paraître aucun trouble de cette transverbération."