« Dis Mamie, c'était quoi la
fac?
- Oh, ça ma petite-fille, c'était une
grande institution, avec de belles idées. On y apprenait des choses
anciennes, qui n'existent plus. On y faisait des recherches, par
plaisir, mais aussi parce que l'homme a ça de beau qu'il se
souvient. Il protégeait sa culture et son patrimoine. Il évoluait
dessus, et ça le grandissait.
- Et pourquoi ça existe plus si
c'était bien?
- Parce qu'on a oublié de se souvenir
et de protéger ce passé.
- Mais pourtant, on a plein de musées!
- C'est de la culture morte et
marchande. On paye cher pour voir un tableau ou un os. À
l'université, on vivait ce passé, on le faisait revivre.
- Et toi, tu y étais?
- Oui ma chérie.
- Tu faisais quoi?
- Des Lettres Classiques.
- C'est quoi?
- On lisait les vieux, vieux auteurs.
Et on essayait d'apprendre ce qu'ils avaient fait, pourquoi, comment.
On en tirait des leçon parfois.
- Des auteurs... plus vieux que toi?
- Oh oui! Bien plus vieux! Des auteurs
qui écrivaient avant Jésus, dans une langue qu'on appelait le
latin, ou le grec. Ça dépendait d'où ils étaient nés.
- Et c'était bien?
- Oui. On apprenait plein de secrets
sur les mots que l'on utilise aujourd'hui, d'où ils venaient et ce
qu'on en avait fait. Depuis, on a oublié. On lisait les textes
originaux, dans leur langue. Depuis, on a oublié. On ne sait plus.
On apprend tous la même chose.
- Et elle a disparu la fac?
- Oui. Pourtant, on s'est battu.
- Toi aussi Mamie?
- Un peu, oui. J'ai aidé. Mais tu
sais, ça a duré deux ans. Deux ans de grève, de manifestations.
C'était une sorte de guerre. Mais nous n'avons rien pu faire.
L'Université a disparu.
- Oh. »
Une bûche craquera dans la cheminée.
Ma petite-fille perdra son regard dans les flammes, pensive, pendant
que je regarderai dans le passé, nostalgique, mélancolique, avec
des regrets et des remords plein le cœur, plein la bouche.