[Puisqu'il faut bien que je le fasse, je m'y mets. Je ne garantis
rien quant à la qualité de mon expression et de mon
orthographe parce que je commence à sombrer dans le sommeil.]
J'ai quitté mon pluvieux fief un froid matin de juillet. Le
départ pour le Var avait été avancé et
j'ai dû couper court à mes travaux sur les
marins-pêcheurs. Je comptais bien me concentrer sur le sujet
une fois au pays des criquets, cigales et autres grillons, mais
malheureusement, la réalité fut tout autre.
Je commençai mon séjour par une journée diminuée
de moitié puisque l'on me laissa dans les bras de Morphée
jusqu'à ce que Phébus fut à mi-parcours. Ma foi,
j'ai bien tenté de travailler un peu sur les salariés
de Neptune, mais la Distraction emporta une victoire facile et je me
laissai entraîner dans les méandres d'une fiction en
anglais, que je tenais à terminer avant de lire le fameux tome
Sept.
Les jours suivants furent marqués par ma trop faible
résistance: je m'inclinai devant le comte de la Paresse et
passait une grande partie de l'après-midi au royaume du
Sommeil, parmi les songes colorés. La chaleur extérieure
m'était insupportable, c'est pourquoi Somnus aux lourdes
paupières me donnait rendez-vous dans la fraîcheur des
murs. Je m'éveillais rarement avant l'heure de la collation,
que j'évitais allègrement pour aller rafraîchir
mon corps engourdi dans l'eau limpide de la piscine.
Au bout de quelques jours, j'eus enfin achevé la lecture de
cette fameuse fiction. J'étais fin prête pour LA lecture
du mois. Religieusement, j'ouvris la première page du livre,
non sans avoir lu la quatrième de couverture et scruté
l'illustration pendant de longues minutes. J'eus une pensée
pour Marcel, sans qui cette lecture m'eût été
impossible. Et j'entamai ma lecture. Oh rassurez-vous, je n'en
soufflerai mot! Tout d'abord, j'eus du mal à entrer dans
l'histoire, ma compréhension buttant sur de nombreux mots dont
le sens m'était obscur. Puis peu à peu, j'avançai
de plus en plus vite. Un soir, je m'étais exilée pour
ne point déranger ma soeur: lorsque je vis le jour poindre au
travers des volets, j'ai abandonné ma lecture. Si l'on voulait
me réveiller, mieux valait que je sois dans mon lit!
Pourquoi vous raconter tous ces insignes détails? Parce que ce
soir, j'écris sans difficulté: les mots coulent dans
mes doigts. De plus, ce récit vous montre à quel point
la première partie de mes vacances fut longue, à quel
point nous étions inoccupées. Dans cette région,
il n'y a personne. Pourtant, il y a de plus en plus de monde. C'est
paradoxal. Dans le quartier, les maisons se multiplient, mais on n'a
de relations qu'avec deux ou trois voisins. Le village est à
un quart d'heure en voiture et il faut y être dès que
l'Aurore montre ses doigts de rose si l'on veut s'y garer. Oh certes,
l'oisiveté me sied tout à fait, mais j'en profiterais
davantage s'il n'y avait sans arrêt cette crainte sous-jacente,
cette tension irrépressible qui règne chez ma
grand-mère...
La seule activité qui éveilla mon intérêt
fut la soirée au restaurant. Soirée qui me rappela
toutes celles où mon grand-père était encore là.
Après le dîner, nous allâmes sur la place de
l'église où se tenait le bal musette... quand je pense
que j'y ai dansé! Je n'étais pas plus haute que trois
pommes, mais déjà le paternel ne venait plus en
vacances dans le sud. Nous emmenions la voisine. C'est dans ce genre
d'endroit que l'on se rend compte que le temps passe. La voisine a
drôlement vieilli: physiquement elle ne change pas, mais on se
rend compte qu'elle a plus de quatre-vingts ans quand elle nous
raconte ses histoires! Et il en va de même pour les rares
connaissances que nous avons là-bas. La petite fille avec
laquelle nous pataugions dans la piscine est maintenant une
parisienne pure et dure qui rentre en seconde dans un lycée
privé... m'enfin!
Je vais cesser mes élucubrations ici parce que je sens que
vous vous endormez chers amis! Je m'excuse pour l'emphase ridicule de
mon ton dans cet article, mais de même que les petits chefs ont
de grands ego et une ambition sans égal, de même les
faits sans importance revêtent l'habit de l'éloquence
cicéronienne. Quant aux figures mythologiques, elles sont ici
parce que je les aime, non pour le style.