Les affiches - se répondant à la perfection - sont réussies et appâtent les clients en nombre: il suffit de voir la file d'attente devant le musée à midi quand nous arrivons, et la même, dix fois plus longue, quand nous sortons à quinze heure. Le thème promet une variété de styles et de supports qui n'est pas pour me déplaire, des représentations mythologiques à la pelle (Hermès et Pâris en couverture, rien que ça) et en plus, paraît-il, le parcours est thématique et non chronologique, ce qui a l'heur de permettre des comparaisons sympathiques entre œuvres d'époques très différentes.
Cependant, nombreux furent déçus (il suffit de lire la critique d'Evene, qui ne cache pas son insatisfaction). Pas assez scientifique selon les uns, manque d'un objectif clair (à part montrer des représentations d'hommes nus, cela va sans dire) pour d'autres. Et c'est vrai, quand on prend le temps de lire les explications (ou du moins certains passages du catalogue de l'exposition), on comprend assez rapidement que l'homme nu est sous-représenté dans l'art de nos jours et que ce n'était pas le cas autrefois, bla bla bla. Que les nus féminins choquent beaucoup moins aujourd'hui, bla bla bla. Jamais n'est posée la question de ce que cela peut signifier sur notre société ou autres questions qui viennent à l'esprit quand on compare les représentations féminines et masculines. En outre, les commissaires de l'exposition sont partis du principe que tout le monde avait les représentations féminines en tête. Résultat: nous n'avions aucun point de comparaison, ce qui, pur certaines œuvres eût été on ne peut plus pertinent. Mais je ne m’appesantirai pas sur la question, parce que cette exposition, en fin de compte, je l'ai bien aimée.
1. Edmond Lebel, Etude de nu masculin de dos (1850)
2. Hermann Heid et Louis Igout, Académies de nus masculins (1875-1880)
En effet, je ne cherche pas forcément à me creuser la cervelle quand je vais voir une exposition. En général, j'attends de voir des œuvres plus ou moins connues, des œuvres que je n'aurai pas forcément la chance d'aller voir dans leur musée, des œuvres de collections particulières qui ne sortent que rarement de chez elles, ou de revoir des œuvres que j'ai aperçues à l'autre bout de l'Europe, un jour. De ce côté-là, j'ai été plus que satisfaite. Je lis rarement les explications, écrites dans une police trop petite pour mes yeux de myope, sur un mur trop sombre pour que le contraste soit bon, avec trop de gens devant pour que je puisse m'en approcher. Sans compter ma paresse sans égale.
1. Flandrin Hippolyte, Jeune homme nu assis au bord de la mer, étude (1836)
2. Wilhelm von Gloeden, Cain, Taormine (1913)
3. Robert Mapplethorpe, Ajitto (1981)
De plus, le parcours étant thématique, j'ai trouvé que l'on ne s'ennuyait pas. Je ne dis pas que les choix des thèmes étaient pertinents ou que le choix des œuvres pour chaque thème était parfait, loin de là (avec Evene, je me demande pourquoi n'avoir pas fait un salle dédiée au martyr de Saint Sébastien, pourquoi l'avoir fait apparaître dans plusieurs thématiques, quand on avait matière à ergoter sur cet épisode biblique cher aux peintres de toutes les époques), mais l'alternance de peintures ultra-classiques, de sculptures (peut-être pas assez), de tableaux plus récents et de photographies m'ont gardée en éveil jusqu'à la fin de l'exposition.
1. Francois-Léon Bénouville, La Colère d'Achille (1847)
2. Auguste Rodin, Etude de nu de Balzac (vers 1894)
Pour ma part, j'ai trouvé ça suffisant. J'aurais payé mon entrée, peut-être aurais-je grincé des dents, mais comme ce n'était pas le cas, je ne me plains pas. En fait, cette exposition est comme un index thématique, qui donne envie d'explorer bon nombre de pistes, comme un catalogue de références. C'est déjà pas si mal, non ?
Paul-Marie-Pierre Richer, Athlètes (1895)