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Vous en parlerez à votre cheval...
8 août 2013

Paresse

La paresse est cette « habitude prise de se reposer avant la fatigue »[1] ; elle semble ainsi se caractériser par la paix et l’harmonie intérieures, le calme et la tranquillité d’esprit. Elle s’abandonne avec délectation dans les bras de Morphée et retrouve les délices du Royaume du Sommeil : du silence à la pénombre, en passant par le suave parfum des fleurs de pavot. Pourtant, on la retrouve dans ses lourds voiles, les cheveux défaits, aux côtés de ses confrères les sept péchés capitaux : la bouillonnante Colère, la Gourmandise aux belles joues, l’austère Avarice, l’Orgueil au regard méprisant, la voluptueuse Luxure et l’Envie aux mains tendues.

[Paresse] 07

Felix Valloton, La Paresse (1896)

Comme eux, elle est une forme de souffrance. Une douleur subtile qui s’insinue en nous tel un poison mortel. La paresse « tout à la fois désire et barre la route à son désir »[2]. Elle passe son temps à désirer quelque chose qui lui échappe. L’objet même de son désir fuit sa raison. « Je voudrais aller quelque part, je ne sais où ; je ne sais pas ce que je veux, je n’ai même pas la volonté de désirer vouloir »[3]. Et quand par malheur elle le saisit, sa volonté lui fait défaut et elle le relâche à contrecœur. Sempiternels regrets, remords éternels. La paresse souffre inlassablement. Elle devient alors mollesse, fainéantise, oisiveté stérile, négligence ; elle flirte sans pudeur avec la mélancolie et la lâcheté.

[Paresse] 13

Théodore Chassériau, Buste d'homme endormi (1844)

Mais il lui arrive de fuir le côté infernal de son penchant à l’inaction et elle navigue alors entre deux eaux, elle jongle avec flegme et flemme. Puis elle se pose et reste immobile pendant des heures. Elle ne fait rien et elle seule en est capable. Elle seule a le courage de se lever tôt pour prendre le temps de ne rien faire. Elle regarde le sable s’écouler dans le sablier, écoute le mécanisme régulier de la pendule du salon, observe les gouttes de pluie s’écraser lourdement sur les vitres. Ses cinq sens sont en éveil. Pas un éveil actif, non ! Loin de là… un éveil passif, qui ne fait que percevoir et enregistrer. Elle voit le temps passer. Elle est alors flânerie, abandon, insouciance, indolence. Et ce sont cette passivité et cette lenteur qui font sa force. Elle devient patience. Quant à l’importun qui la dérangerait dans cet état second, elle le renverrait avec l’indifférence et le calme olympien dont elle sait faire preuve; il serait en effet trop fatigant de s’énerver après ce pauvre hère !

[Paresse] 09

Lawton SParker, Paresse (1916)

Ainsi la noble Paresse vogue sans cesse entre inquiétude et quiétude ; agitation fébrile à la recherche de l’objet de son désir mais qui ne se donne pas les moyens de l’atteindre, et calme à toute épreuve de celle qui n’a ni le courage, ni l’énergie de s’inquiéter et donc abandonne tout en s’abandonnant elle-même.



[1] Jules Renard
[2] Giogio Agamben
[3] Gustave Flaubert

Ecrit en juin 2006, posté par Melendili sur son blog (à l'époque, je n'en avais pas encore), reposté le 30 mars 2008 sur mon blog Wordpress.

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