Epopée
Je ne sens que trop mes pieds et le douleur qui remonte dans les chevilles et jusque dans les hanches, le bas du dos. La migraine pointe son nez. Je suis fatiguée.
Nous sommes arrivés à vingt heures précises, devant l'hôtel de ville. La Ronde des Obstinées était grande, large, elle s'étendait sur le parvis. Lorsque l'horloge de la mairie a sonné, nous sommes entrés dans la Ronde. Pendant près de trois heures et demie, avec à peine une pause au bout de deux heures et demie, nous avons marché. Nous avons vu le jour baisser, la nuit couvrir les toits noirs de Paris, les lampadaires s'allumer. À 23h35, nous abandonnâmes nos comparses pour attraper le dernier train.
Malheureusement, un détour inattendu par les Halles nous fit rater notre train, et au lieu des vingt minutes de marche qui nous attendaient entre Fontenay et chez nous, nous nous sommes retrouvés, mon frère et moi, à Saint Quentin en Yvelines, à plus d'une heure du matin. Et nous avons marché.
Nuit noire, lumières blafardes, crachin et brume de plus en plus dense. Il ne fait pas froid, mais lourd et moite. Nous avons déjà les pieds en triste état. Nous longeons la grande route qui relie les deux villes. Il n'y a personne, nous n'entendons que nos pas.
La pluie a éveillé les senteurs par dizaines. Lorsque nous passons au-dessus de l'autoroute, les acacias se révèlent à nous dans tout leur arôme. L'herbe, la terre des travaux, le bitume, les arbres. Tout vit et bruisse dans la nuit noire.
Nous arrivons enfin, il est presque deux heures, et nous tenons à peine debout. Mais nous n'avons plus envie de dormir.