Chronique d'un mariage, deuxième épisode
~ Oiseaux en cage, ou la preuve que
le ridicule ne tue pas ~
~ Remarques d'une mécréante
~
La messe est commencée, évidemment, mais notre demi-heure de retard ne nous a pas paru de trop. Je souffle, amusée, à ma génitrice: « si on avait pu se perdre un peu plus longtemps... » lorsque s'annonce l'évangile, je prie en silence pour le curé n'ait pas le mauvais goût de nous la chanter. Malheureusement, je ne fus pas entendue: tout en essayant d'étouffer le fou-rire qui me prit en écoutant la voix chevrotante du saint homme, je tendais une demi-oreille à ce qui se disait. Puis vint le sermon. J'eus alors tout le loisir de réfléchir.
* Mais quelle idée
de se marier à l'église! Pouvez-vous me dire en quoi
l'amour que se portent un homme et une femme regarde Dieu et sa
clique? Et le curé qui aime répéter: « vous
serez trois toute votre vie: Jésus vous accompagnera partout
gnagnagna... » M'enfin, depuis quand parle-t-on ménage
à trois chez les cathos? Et cette formulation explicite, je
trouve ça malsain. Pas que je sois contre les ménages à
trois, mais franchement, vivre en étant persuadé que
Dieu est avec nous est fait partie de notre ménage, ça
tourne au mysticisme le plus complet! Mais comme dit le
Teckel, tout dépend de la physionomie du Jésus en
question...
* Cette messe serait intraduisible en latin. Même Rimbaud, le fort en thème, s'y arracherait les cheveux. Je m'explique: les latins sont réputés pour être terre-à-terre; ils emploient peu de mots abstraits, même s'ils existent. Or ce sermon était tellement empli de grandes et belles idées que les latins n'y auraient compris goutte. Un peu de liberté par là, de l'amour ici, des pelletés de fraternité, d'amitié, de bonne entente, de fidélité etc. Trop peu de concret pour moi (et pour les latins), je m'ennuie ferme.
* Les chants de messe, c'est bien. Même si ce n'est pas toujours du meilleur goût, même si les frêles agneau du troupeau des fidèles ne savent pas prononcer le latin, même si c'est parfois morbide, au moins, ça occupe! Chanter à pleine voix, voilà qui empêche de rire du prêtre ou de la dame de trois rangs devant.
* Pourquoi les dames n'ont-elles toujours pas compris que le ridicule, s'il ne tue pas, est dangereux pour la santé mentale de ses voisins d'église? Plumets blanc et vert, rouge et blanc, gros papillon jaune sur le côté (pas du tout, mais alors pas du tout, assorti aux yeux d'un bleu-vert foncé) et autre fanfreluches. Le mieux dans tout ça, c'est qu'elles sont fières de leur trouvaille! Et la nouvelle mode (que je n'avais jamais vue encore) ce sont les chapeau sans fond: les cheveux sont visibles sur le sommet du crâne. C'est vrai qu'au prix où sont les chapeaux, on fait comme on peut pour économiser quelques pièces! Le ridicule ne tue pas mais ruine à coup sûr...
Nous cinq, au fond de l'église, sur la pointe des pieds dans l'espoir d'apercevoir un bout de marié(e). Nous cinq, au fond de l'église, à nous tourner les pouces pendant l'eucharistie (pas assez faim pour une ostie). Nous cinq, légèrement sceptiques face à cet engouement christique. Finalement, les mariés se sont dit oui. Cela valait-il le coup de faire tout ce tintouin, deux heures durant?
PS: Le chapeau ici présenté est beaucoup moins voyant que ceux qui étaient présents au mariage. De plus, sans tête en dessous, il est difficile de juger qu'il sied mal...