Chut!
Mon
disque dur ronronne et mon ordinateur s'essouffle. Un papillon de
nuit s'affole contre le plafonnier. Au loin, derrière la
forêt, à côté de la prison, pétaradent
les feux d'artifice de la Saint Gilles. Pourtant, le silence règne.
Depuis
deux jours, la lettre Evene que je reçois se veut un hymne au
silence. Curieuse, je suis allée jeter un coup d'œil sur le
forum: que peuvent dire de beau les gens, sur un tel sujet? C'est la
fin d'un article, qui m'a donné envie d'écrire. Le
quidam s'exclamait que les jeunes aujourd'hui (toujours les jeunes!
ils ont bon dos ces jeunes), avec leur mp3, ne savaient plus
apprécier le silence. Cette critique banale, galvaudée,
m'a fait revenir à l'esprit, je ne sais pourquoi, un cours de
littérature d'hypokhâgne. Un cours sur le théâtre...
Le
professeur gesticulant nous imite je ne sais quel épisode de
la bataille d'Hernani. Et
le voilà qui clame quelques vers, et qui mime une scène.
Il n'arrête pas de s'agiter, tel un asticot au bout de
l'hameçon. « Mais vous savez, à l'époque,
c'était bruyant le théâtre! Les gens discutaient,
mangeaient, se promenaient, n'hésitaient pas à siffler
ou applaudir. Il faut vous exprimer quand vous allez au théâtre!
Dire aux acteurs ce que vous pensez! »
C'est
amusant, parce que cela a fait écho dans ma mémoire à
un cours de philo (il me semble) (et non, je ne faisais pas que
dormir en philo), ou le professeur parlait de la sacralisation du
spectacle ou de quelque chose du genre. Quoi qu'il en soit, je me
rappelle avoir entendu qu'il évoquait les gens qui se font
fusiller du regard lorsqu'ils commentent, s'agitent dans la salle ou
ont leur portable qui sonne. Celui qui a le malheur d'être
enrhumé se fait tout petit dans son siège.
Je trouve que tout ceci est bien contradictoire. On veut du silence à tout prix, même dans les lieux de société, où l'on est censé donner son avis, s'exprimer. Pourtant, quand on va au théâtre, c'est toujours un peu exceptionnel. Les parents disaient qu'ils sortaient, et nous, enfants, comprenions « soir de fête ». Or « soir de fête » et « silence religieux » ne ressemblent guère à des synonymes. À croire que le silence s'est déplacé. Tout simplement.