Le temps passe, et mes envies non. Envie d'écrire des
futilités. Envie de dessiner l'inutilité faite
objet. Créer des généalogies sans nom, composer
des cartes européennes à peine historiquement justes.
Les vêtements s'entassent au pied de mon lit. Pourtant, je
reste en pyjama la plupart du temps. Je dors la moitié de la
journée. Voilà bien longtemps que mes marins-pêcheurs
se sont résignés et que Sénèque a
abandonné la lutte.
Lhasa tourne en boucle dans mes oreilles, dans ma tête. Les
mots, les couleurs, les formes, les noms. Tout se mélange. Je
suis partie dans un univers parallèle. Je suis dans un monde
qui n'ouvre ses portes que pendant les vacances.
Ce monde, je l'entretiens, un peu grâce à une jeune
fille kaliparéa. Cet univers est né d'un livre lu par
trop de gens. Cet univers entretenu par des découvertes de
plus en plus nombreuses sur la toile. Un rêve, qui s'évanouira
le temps d'une année, pour revenir plus sûrement la
saison prochaine.
Ces étranges lubies me font découvrir de drôles
de mots. Des mots anciens, presque sacrés. L'univers
héraldique est riche. Très riche. Les aigles féminines
côtoient les lions rampants lampassés de gueules. De
sable, les croisettes recroisettées sont du plus bel effet!
Mais que diriez-vous d'un mâcle d'or chargé en coeur
d'un ours brochant?
Après cette découverte, je lance un avis de
recherche sur la toile: « patronymes gallois du
moyen-âge ». Je pars dans une quête sans nom,
à la poursuite des sobriquets les plus alléchants:
Gauvin épouse Mélisende. Que dites-vous d'une Sigerith
Earwhisper? Les trois filles de cet homme se nommeront Pithecia,
Errata et Adumbratia (le laideron, la ratée et l'ébauche),
preuve qu'il eût préféré un fils!
Le délire dure et perdure. Il finira par prendre fin. Mais
je ne suis pas pressée. Être déconnectée,
pourquoi pas? Tant que ce n'est pas de la toile, mais de la
réalité...